Dompter le virus et réapprendre la liberté

article psy covid

Le temps est passé, celui du « hors-temps ». Huit semaines d’un « tout nouveau », le virus et la pandémie mondiale qu’il a engendré, et d’un « rien de nouveau », les journées souvent vécues par les individus des quatre coins du monde comme répétitives voire identiques.

Le déconfinement pose les innombrables questions dont les réponses sont élaborées par les gouvernements, les entreprises, les institutions…
Il s’agit de répondre à la population en masse. Le passage est obligé.

Mais nous, les cliniciens, sommes toujours plus concentrés sur les processus individuels qui rendent compte des différences des uns et des autres, happés par un même mouvement sociétal et historique.
Si chaque individu est unique, unique est aussi la façon qu’il trouve ou qu’il ne trouve pas de répondre à ce que le contexte externe suscite à l’intérieur de lui.
Dans ce sens, aucune généralisation n’est possible, bien que des tendances se profilent.

Dès lundi prochain chaque personne sera confrontée à un même corps de droits et d’interdits mais à son seul et unique ressenti face au risque de contamination au Covid-19 devenant ainsi responsable du comportement qu’il adoptera.
Dans le cadre d’un travail psychanalytique ou psychothérapique, nous devrons tenir en compte des dimensions psychiques conscientes et inconscientes de l’épidémie pour chacun de nos patients.
Certains patients auront besoin de plus de temps que d’autres pour s’autoriser au retour à une vie normale, et cela constituera un enjeu du travail à venir.

Plus que jamais il faudra prendre en considération des aspects concrets (vulnérabilité somatique ou liée à l’âge) et les aspects intrapsychiques, transférentiels et contre transférentiels de chacun : pour certains émergera un sentiment de toute puissance et de déni du danger, pour d’autres nous assisterons à une escalade hypocondriaque et obsessionnelle…

Les traitements psychiques de tous tourneront principalement autour de deux conflits qui apparaissent comme inévitables dans la réalité actuelle: dompter le virus, apprivoiser ses risques et les angoisses associées d’un côté et réapprendre ou - devrions-nous dire apprendre - à se sentir libres de nouveau.

La liberté est le premier mot de la devise française, sa première valeur fondatrice. C’est un acquis, ici nous naissons libres et c’est inscrit dans le marbre.
La liberté comporte cette dimension fondamentalement sociale, déterminée par les interdits de la loi, et une dimension intrapsychique, déterminée par des mécanismes individuels complexes et conflictuels qui relèvent d’une instance qu’en psychanalyste est connue sous le nom du Surmoi. Le surmoi est l’élément de la structure psychique qui joue un rôle de juge, de censeur en opposition aux désirs, aux pulsions, et qui se développe dès la petite enfance par identification avec l'imago parentale.
Durant l’enfance les parents apprennent à l’enfant qu’il ne peut pas tout faire, il ne peut pas tout être ni tout avoir. Le renoncement à la toute-puissance infantile devient symptôme pour des nombreux adultes…

Il y a deux mois, à l’improviste, les gens ont perdu la liberté d’être en dehors de chez eux, d’être projetés dans le monde auquel ils participent, et cela au nom de la préservation de l’espèce, le principe de l’autoconservation ayant connu un retour puissant et justifié.

Le déconfinement qui permet aux personnes de reprendre leurs vies en dehors subit parallèlement un traitement individuel au dedans. Ce n’est pas parce qu’elles sont « libérées » qu’elles se sentiront libres.
Dans les discours des patients en travail de psychothérapie nous entendons déjà « Lundi je pourrais…, mais je ne me sens pas de … », ou bien « On empêche de…mais je veux le faire tout de même… ».
Les oscillations entre ce que le retour à la liberté autorise et ce que l’individu introjecte de cette liberté ne font que démarrer. Nous pouvons penser qu’avant cette période inédite c’était exactement pareil, mais l’hypothèse semble aller dans le sens d’une régression massive au stade infantile d’élaboration du processus d’indépendance face à une autorité interdictrice.
Une fois de plus, il s’agit à la fois de l’autorité dictée par la loi sociale mais avant tout de l’autorité conditionnée par les mouvements psychiques propres à chacun.

En ce temps de l’histoire, le coronavirus a été pensé comme une arme criminelle par certains qui en ont élaboré une théorie du complot, mais tomber malade ou contaminer quelqu’un qui tomberait malade parfois jusqu’en mourir, ce n’est pas un crime. Les postillons ne sont pas des armes de guerre, pourtant c’est tout comme s’ils l’étaient.
Le retour en société ne sera pas chose nouvelle mais la façon de l’appréhender sera nouvellement mobilisée de manière avant tout individuelle.

Nous observons chez certains patients que le déconfinement provoque des manifestations anxieuses, dépressives et psychosomatiques plus importantes que celles associées au repli du confinement.
Une possible raison semble être liée au fait que respecter une loi « supérieure » et égale pour tout le monde a permis massivement et rapidement de mettre en œuvre des mécanismes d’adaptation autour desquels l’interdit et la protection ont été indissociables.
Le déconfinement quant à lui se profile davantage comme une période d’entre deux, grise et fluctuante. Le mouvement ira progressivement de la population en masse à l’individu singulier face à ses responsabilités, ses libertés et ses limites.
Il s’agira pour tout individu de se réapproprier d’un espace de pensée et d’agir qui risque de connaître plus fortement une vague de conflits et de compromis eux aussi inédits.



Véronica Olivieri-Daniel

Véronica Olivieri-Daniel est psychologue à Paris 16

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